L’Autopsie A Révélé Que La Mort Était Due À L’Autopsie – Le Souffle de l’avorton LP / Oleo Strut – Non vogliamo un paradiso 10’’



Komma Null
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Dans le noir on s’invente des histoires, et la musique de L’AARQLMEDALA est intensément noire, noire comme la mine de charbon que l’esprit « El Borbolón », plus fort que Swedenborg, a choisie pour que le groupe enregistre ce disque. Dans le noir les murs redeviennent humides et toute pièce tend à devenir une cave. Dans le noir on se déplace à tâtons, on erre sur le piano préparé, on déambule les mains en avant en frappant les touches à la recherche d’une huisserie mais on s’amuse des séquences que les cordes renvoient au petit bonheur. Dans le noir, l’espace se distend et les murs s’éloignent, les résonances s’allongent. Métal, cordes, vagues y ondoient tanguant sur une mer d’encre. Voici pour l’expérience « physique », soit la première face. La seconde, expérience « psychique », n’a plus que faire des couleurs, de l’obscurité, elle navigue à l’aveugle, s’amuse de raclements gutturaux, du bancal des cordes et des percussions sur barreaux de chaise, s’hypnotise sur les circonvolutions de violons allant et ballants, en façon de drone d’atelier (en cet endroit je songe à Jon Mueller et Asmus Tietchens). Combien juste alors est cette composition surréaliste, (dés)accordée à la merveilleuse histoire tout aussi surréaliste qui fait de chaque membre du groupe le héros d’une épopée qui explose les frontières du tangible. Lorsqu’on les aura nommés, l’on comprendra que la claudication de l’AARQLMEDALA est un art entier de la marche : Alan Courtis (Reynols), Franq de Quengo (Dragibus), Ogrob (Sun Plexus), Nicolas Marmin (Osaka Bondage).
Ce dernier est aussi présent dans la formation Oleo Strut, et son album Non vogliamo un paradiso qui agglutine et effiloche avec le même talent les temps et les espaces, et si l’on sait combien est difficile – impossible – la représentation du rêve, le jeu esthétique qui consiste à s’en approcher dans les créations de la veille peut donner lieu à des morceaux de bravoure tels que celui-ci. Pour ma part, je me suis gardé de considérer les différents morceaux de ce vinyle 25 cm comme des réalisations séparées, mais bien plutôt comme des épisodes d’un déroulement sans continuité. Les voix prise d’un autre âge, les murmures qui leur succèdent, voire les borborygmes chantés sur le ton matinal de l’insouciance folle, les envolées d’un Ligeti passé par l’Italie, le rythme chaloupé qui charpente de loin en loin la structure mouvante, parfois ondulée par la basse, n’empêchent pas la maçonnerie de fuir de toutes parts : manipulations de vinyles, trilles analogiques, boucles, retour de percussion terminant d’infecter le temps. Peu de brusquerie dans cette musique tout aussi surréaliste que celle de L’Autopsie, et pourtant la même passion du saisissement, de la collision accompagnée : un voyage dans le coude de l’absorbeur de choc.

Denis Boyer

2014-11-26