Baskaru
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D’où vient qu’une certaine gravité puisse s’insérer dans ce qui paraît léger ? La musique de Gintas K, généralement, se situe à l’avant-garde mais une avant-garde codée, en fait un régiment d’avant-garde et non un corps de francs-tireurs à peine réunis par la forme de leur arsenal. Non, Gintas K fait partie de cette nombreuse famille d’artistes que rallient des labels comme Line, 12k, Spekk, Crónica ou… Baskaru. Une musique où les fontaines d’harmoniques empruntent à la forme purement ambiante une largeur de filin, mais qui se minéralisent au point de se rendre torrentielles, troublées d’accidents numériques, d’échos, de bris de temps, de claudications et de superpositions solides. Gintas K maîtrise à merveille ce répertoire mais son aisance est augmentée, c’est-à-dire, pour être rapide, qu’il se distingue souvent des régiments de post-Fennesz ou de post-Noto.
Observons, et rapidement les prérogatives s’inversent ; ce qui troublait, escarpait le flot proto-mélodique prend rapidement le dessus. Les crémaillères et leurs créneaux, les rotules métalliques et leurs membres aux longueurs inégales marquent le paysage sonore au point de s’extraire du courant et de peupler l’ensemble du panorama. Considérons cela comme un agrandissement focal ou, à l’inverse comme une croissance naturelle de ces éléments sonores. Le résultat est identique : les alluvions prennent vie, d’encombrements elles deviennent faune, de calculs elles évoluent en palpes. Une véritable mécanique horlogère est alors mise en œuvre par Gintas K : la percussion légère naît du souffle agrégé et entraîne dans sa danse nonchalante d’autres chocs à peine plus marqués, mais moins machinaux, quasi boisés. Ce tracé méticuleux, si l’on s’attarde à le suivre, devient évolution insectoïde, aussi insouciante et effrénée dans le même temps. Je prendrai pour exemples des plus belles réussites de ce disque les morceaux dar et garsas. Sur le premier, la libération du courant d’harmoniques est complète, mais aucun chaos n’y règne, et le conseil de mandibules se réverbère en courts échos, en réponses aux différentes tonalités, jusqu’à former de fragiles embryons mélodiques. Sur le suivant, cette évolution confirmée s’adonne à une mélancolie remodelant ce que la nappe d’harmoniques avait emporté en disparaissant. Mais alors, ce ne sont que de tout petits sons qui se font chantres de cette tristesse diffuse, notes synthétiques, coassements, grésillements à la limite du perceptible ; c’est bien ici que cette assemblée de kaons, de particules, forme concert pour atteindre à la juste et grave précision du souffle suspendu.
Denis Boyer
2014-09-23