Oureboros – Dreaming in earth, dissolving in light

Ant-Zen
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Si les rêveries de la terre, qu’elles soient de volonté ou de repos, ont inspiré tant de poètes, elles peuvent tout autant amener le musicien à s’exprimer, car toute poésie transcendantaliste est liée à sa musique. Dreaming in earth, dissolving in light est l’occasion pour Richard Oddie de retourner aux sombres expérimentations ambiantes postindustrielles du premier album d’Orphx, qui depuis s’est installé sur des terrains presque exclusivement technologiques. Ce sont aussi les retrouvailles musicales avec Aron West, en compagnie de qui Christina Sealey et lui avaient enregistré le premier CD d’Orphx en 1996. L’oureboros ou ouroboros est ce serpent ou dragon légendaire qui symbolise le cycle naturel éternel. C’est le pseudonyme que les deux musiciens ont choisi et il n’est pas déplacé ; les champs de vagues, les nappes, les vents, fluctuent sur un terrain qui ne connaît que peu de relief, et dont le panorama à l’empan semble inchangé au gré de la rotation. Pourtant, ce n’est pas une musique statique, ni même répétitive. Elle est de l’étoffe des rêves, mêlée d’électroacoustique, de synthèse ambiante, d’instrumentation post-rock suggérée. C’est une véritable peinture sonore sans figuration, un essai de texture harmonique comme Zao Wou-Ki en offre au regard. La période des différentes vibrations est assez régulière, plutôt courte sans être pulsée, elle rappelle une nouvelle fois un mouvement de vague, quelle que soit la matière des nombreux sons mis en scène. Un tunnel de nuit où les repères lumineux sont organisés par ces successions de nuages musicaux, enfilés comme les songes, sans heurts, dans la plus grande logique de l’étrangeté. C’est sans doute pour cette raison que la densité fait la musique toujours en envol sur ce disque, en phase de vaporisation. Malgré cela, des veines de cordes, des pas dirait-on, des pincements, des minéralisations (comme sur l’excellent morceau Separation), sont autant d’attaches à un sol, terreau d’organicité. Quant à lier précisément le serpent et la terre comme le fait le titre de l’album, il ne faut jamais négliger les connivences archaïques car, comme le rappelle Ernst Jünger dans Approches, drogues et ivresse : « C’est en lui [le serpent] que des peuples éloignés l’un de l’autre dans le temps et l’espace révèrent la puissance primitive de la Terre. C’est par lui que s’ouvrent et que se ferment les métamorphoses. »

Denis Boyer

2012-07-13