Ant-Zen
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Le genre dark ambient gagne, on le sait depuis longtemps, à s’imprégner de diverses humeurs, à se ponctuer de lumière, à intégrer les gestes de l’électroacoustique et du rock. Aujourd’hui, des artistes comme Bryan Konietzko / Ginormous montrent l’inanité de certains cloisonnements, sans pour autant dissoudre leur musique dans une suite improbable d’essais antinomiques. Le plus important est de garder un rythme, une salinité, une signature qui permette en chaque heure du jour et en chaque recoin du paysage de maintenir l’empreinte d’une musique. Dans cette perspective, The sound of love impermanent est certainement le plus audacieux des albums de Ginormous. Il repousse à ce point le genre de l’ambient sombre que la lumière et les formes sont d’un bleu d’après-midi éternel, l’orange et le rose des deux points du jour. Les cordes tout d’abord, dessinent des mélodies tournoyantes, conservant de l’électro qu’elles voisinent une répétitivité qui participe à la permanence des éclairages. Que des corps dansent sur cette musique n’a alors rien d’étonnant : l’on apprend à la lecture que tout l’album (et plus encore) a été composé pour des chorégraphies (de Maria Gillespie). La résolution des guitares et des rythmes hop qui les soutiennent de proche en proche est atteinte dans un fredonnement d’orgue que l’on imagine apparié à de plus lents mouvement du corps, proches du relâchement. La voix, superbe et androgyne, habille certains morceaux, en faisant de magnifiques chansons, habitées de fumée, tout à l’Orient fantasmé que les boucles ont auguré. Une voix en flux et reflux, qui tout à la fois évoque le Velvet Underground (plus encore quand la musique reflète de loin Venus in furs) et Gordon Sharp / Cindytalk. Ainsi imprégnée, la musique complète de Ginormous permet à la percussion d’accéder à un lyrisme de rigueur sur le morceau If the sky had stitch marks – les carillons, et le fantôme d’un miroitement lointain qui presque à lui seul symbolise la réussite complète de ce disque : l’expression du caractère insaisissable de toute profondeur.
Denis Boyer
2010-12-20