Baskaru
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Des profondeurs de la mine, certains remontent les gemmes merveilleuses qu’ils y ont ramassées, distribuées selon un ordre qui nous échappe, mais en quoi on devine un schéma d’harmonie naturelle. C’est ainsi que l’on peut entendre les multiples altérations d’un orgue presque centenaire sur l’album Oaks d’Ethan Rose. Des altérations d’un son plein de ses harmoniques, comme des cristallisations, des érosions, des expositions à la lumière ou à l’humidité. En cascades ou en flots, en nuages ou en crépitements, cette musique garde, en dépit de sa minéralisation, toutes les qualités d’un fluide, elle s’écoule, droite ou en méandre, charrie doucement l’image comme l’eau le limon, siffle ou miroite. L’exercice est entendu, il est fréquent dans cette géographie que Christian Fennesz a cartographiée, regroupée sur des labels comme 12k, List ou bien sûr Baskaru. Rien de surprenant, déjà l’erratique de nos années obéit à ses propres règles, mais ceci ne détourne pas le charme des compositions, qui de vagues d’orgue appelées à se rétracter en évaporation de limaille d’or, prononce l’harmonie d’une aube éternelle, d’un instant, d’un lieu où les joyaux des profondeurs révèlent leur amour de la lumière. Mais il vient aussi l’idée aux hommes de parer les femmes des cristaux merveilleux qu’ils ont soulevés, ils se font alors diamantaires, allant jusqu’à multiplier les facettes pour mieux se prendre au jeu du dédoublement qu’elles proposent dans leur spéculation. L’ordre de la composition rangée s’est emparé de la musique d’Ethan Rose lorsqu’il s’est associé récemment à la chanteuse Laura Gibson. Chaque note, grimpant comme lierre autour du tronc vocal, l’habille, à la lettre, puisque la construction musicale a eu lieu après les improvisations de Laura Gibson. La voix de celle-ci, rappelant celles de la protégée de Jim O’rourke, Joanna Newsom, ou des sœurs Casady (Cocorosie), prépare les tours labyrinthiques de la musique d’Ethan Rose, aussi domestiquée que celle-ci se montre sur l’album : une voix qui, rétrospectivement, semble se glisser dans les failles, qui s’élève sur les arpèges de cordes, sur les évaporations d’harmoniques, une voix qui complète en mélodie une musique qui ne fait encore que l’évoquer. Une voix enfin qui fait perdre notion de la gravité, des températures, elle se pose avant, sur la brume même de l’aube des cristallisations post-fennesziennes. Ethan Rose, entrelaçant les chantonnements ouatés et légèrement éraillés, multiplie les gestes de polissage, autant que les sons, orgues, électronique, cuivre, cordes, et nature aussi. Musique d’éveil, « électro-pastorale », qui contient l’ombre de sa fragilité dans la lumière de son épanouissement, elle est hautement mélancolique, nostalgique même, au point d’assimiler le folk expérimental et l’electronica harmonieuse au reflet d’un fredonnement premier.
Denis Boyer
2010-05-24