Raubbau
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A l’évidence, il n’y a rien d’anodin, en tout cas de détaché, dans la démarche de Bauke van der Wal, fondateur de The [Law-Rah] Collective, et sa relation à la musique ambiante dépasse de loin l’adhésion esthétique. Qu’il s’agisse d’incarnation, d’isolement, d’inspiration (des thèmes développés explicitement dans de précédentes œuvres), c’est leur lien profond et solide avec la musique que la musique elle-même se charge d’exprimer, ou plutôt, lançons ce mouvement renversant, la musique dans sa puissante expression, révèle ces tensions. S’ensuivent de vastes impressions panoramiques, des vagues d’engloutissement dans la musique, comme ici, dans le disque Solitaire, qui traite, semble-t-il, dans le même temps de la nostalgie et de la subjectivité du souvenir, et l’on sait combien ces deux sentiments sont mêlés. La simplicité, le dénuement de la forme, s’apparente à la primordialité d’une nostalgie absolue, d’un état originel, que seule peut-être la musique est capable de dévoiler. Solitaire, dans son titre, rappelle aussi combien l’expérience universelle se fait paradoxalement dans l’unicité, autant dire dans une profonde cavité sans langage, sans d’autre communication que l’harmonie. C’est une musique où le synthétique et l’organique poursuivent le même but, un tissage de souffles bleutés, de vibrations solidaires, de gouttes de piano, de nappes et de rayons portant le miroitement du fredonnement, à tel point que le deuxième morceau, Lavender scent, semble exhaler le mirage du modèle que constitue The radio de Steve Roden. Là et partout ailleurs dans le disque, la forme reste fuyante, ne se fixe que par endroit, s’exhale en image tremblée de la lumière et de ses racines de gris. L’économie des notes, comme ce souffle qui s’attend à être le dernier, afflige plus encore la mélancolie indissociable de la nostalgie. Le lent mouvement de la mélodie fantôme, pesante et inexorable comme le flux sanguin doublé de son rythme de retour, s’épaissit en manière d’extase dans l’ample tissu d’orgue. Et ce que l’on entend comme l’ultime écho d’une voix filant ses harmoniques, et qui peut-être est déjà plus que cela, s’empresse de verser à la solidification de la vague. Alors la musique devient pure matière de la nostalgie.
Denis Boyer
2010-01-18