Headley Greg – 24-carat abnormalities / Headley Greg – Fragments of the Dream Machine

28 Angles
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Prenons pour témoins du vaste exercice de Greg Headley deux de ses disques récents, 24-carat abnormalities et Fragments of the Dream Machine. Il s’agit pour l’un comme pour l’autre de véritables tissages sonores, accommodant des nappes, des drones, des blocs de sons, des saturations. A lui d’en faire une toile. Le cas de 24-carat abnormalities est le plus lumineux : la plupart des sons utilisés visitent la partie supérieure du spectre sonore, jusqu’à des fragments symphoniques absorbés par le tranquille bouillonnement synthétique. Car il apparaît vite que cette épithète est un sésame pour comprendre le travail de Greg Headley qui, pour aussi moderne que ses compositions puissent se présenter, résonne fortement avec une ambiance cosmique des années 70. Cela semble bien vaste, sur le papier parfois incompatible. Et pourtant on entend là une musique vraiment singulière, qui se distingue parmi celle des faiseurs d’éclats qui peinent parfois à projeter une surface pour les porter. Au contraire, Headley parvient à créer une vaste et complète impression de fluidité, sur les crépitements, les crépuscules de cordes, les jeux de lumière fragmentée dans la jungle des fuseaux numériques. Toujours, tous, ils sont soutenus par un vol mélodique bienveillant, et liant. Cette armature dans le morcelé s’entend tout aussi bien dans Fragments of the Dream Machine qui est, selon la propre déclaration de Greg Headley, son travail le plus chaotique et le plus bruyant. Il s’agit d’un même flot, comparons dès maintenant cette opacité organique et solidaire avec celle du Japonais Contagious Orgasm. Et ce rapprochement vaut d’autant plus lorsqu’il y a comme sur ce disque un dessin dramatique qui prend forme dans l’agencement des fuselages, des déflagrations. Au jeu des similitudes, on appellera aussitôt le nom d’un autre Japonais, Tetsuo Furudate. Ce sont en grande part ses orages, ses repos de cordes résonnant dans un silence de terre noire, avant la prochaine explosion, une musique de fin de la lumière. Darrin Verhagen, dans ses dernières pièces, et parfois COH, rejoignent cette tension. Greg Headley donne ainsi un travail moins personnel lorsque l’on considère la tension revendiquée. Il reste cette faculté de lier de loin en loin, sur des plages reposées, des scintillements synthétiques, une inquiétude, un affaissement paradoxalement cristallins. En cela, il atteint étonnamment la qualité onirique de certaines peintures (Max Ernst et son Œil du silence sur le quatrième morceau) qui, de déformantes, conservent la silhouette, de distordue gardent le squelette.

Denis Boyer

2009-09-24