Prêle
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Xing Wu / Metamkine
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La musique, ou en tout cas le travail sonore, d’Eric Cordier ne connaît pas de constante apparente, et peut parcourir les signaux sonores, des plus désordonnées jusqu’aux limites de la naissance mélodique. Mais c’est dans la démarche que l’on pourrait peut-être déterminer l’esprit commun : faire avec le matériau comme les premiers hommes ont fait avec ce qui devait devenir l’outil, tâtonner, jouer, chercher, errer, et parfois trouver. Avec Denis Tricot, Eric Cordier met en place d’immenses structures de bois, circonvolutions que l’on jurerait autophones lorsqu’on les voit photographiées (qui le sont peut-être pourvu que le vent fournisse l’artifice), et qui en réalité deviennent sonores lorsqu’elles sont frottées avec un archet. Le résultat est un concert erratique de grincements, de frottements, de chocs. Les lames de bois, frottées et frappées, résonnent de manière différente selon le geste et l’emplacement, comme tout instrument en somme. Celui-ci, insolite par la taille, l’est aussi par le son, souvent mat, mais il s’approche de la stridence. Se limiter à cette constatation serait abaisser la part du geste qui fait le style. Ici, l’on entend cette pratique patiente qui lie Jon Mueller et Slavek Kwi, une tension du geste raboté, l’instauration d’un rythme inaudible, d’une conversation insectoïde. Le bois a ses manières, ses caprices parfois, et certaines phrases sombrent sans appel, d’autres en revanche s’éveillent à la musicalité, dans un geste qui libère la tension, pour amorcer ce qui serait le chant d’une aragne de bois. Avec Emmanuel Mieville, Eric Cordier a procédé tout à fait différemment. A Paris, ils ont capté et traité en temps réel, des sons de trente emplacements situés dans le bâtiment où se déroulait leur concert. Les sons du lieu, saisis et restitués ainsi, voilà qui fait penser à Toy Bizarre, au moins pour le départ du concept. Mais je crois que la grande différence se situe dans la gestion de l’aléatoire, dans le modelage du corps sonore. Quand Toy Bizarre compose en triant et en poétisant la matière, Eric Cordier tend plutôt à laisser le flot passer pour saisir l’occasion, la saisir et la sculpter. C’est-à-dire que c’est un musicien du flux, la démarche du temps réel ici en témoigne, et qu’il montre sa méthode en travail : on peut être déçu ou ébahi, c’est selon l’instant, la chance de l’instant. Ainsi, c’est l’expérience véritablement qui s’y déroule, et non le résultat a posteriori. Pourtant, avec Emmanuel Mieville, le contexte est légèrement différent, car ce dernier semble apporter un courant musical supplémentaire, dans lequel les captages sonores nagent – voix, résonances, musique, abrasion, flottant véritablement, rehaussés parfois comme la feuille d’automne rapportée en surface par le remous. Le synthétiseur de Mieville (on a entendu ce musicien, notamment sur son mini-CD publié par tâalem, tisseur d’harmoniques), les traitements informatiques de Cordier, voilà qui constitue un outillage et une décoration propres à porter, à révéler l’instant d’harmonie, qu’il soit évocateur d’un arrangement connu ou au contraire mystérieux comme une séquence encore indéfinie.
Denis Boyer
2009-09-24