Spectre Records
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Composé en des périodes sombres pour son auteur, ce deuxième album de Skincage porte profondes les traces d’une tristesse qui est plus que du désespoir, plus que de l’irritabilité. C’est un état de grisaille qui prend sa teinte d’un tempérament, à la façon de ces bibelots annonçant la pluie. Comme eux, il arrive qu’il se garde de reprendre les couleurs de l’été, impressionné à vie. Things fall apart est donc un disque de l’effondrement plutôt que d’un effondrement. Nulle anecdote ne vient alourdir la musique qui se décline sur sa propre matière. Gris de chauffe, souffles planant bien longtemps encore après leur propulsion, voyage stéréophonique de percussions amollies comme ultime écho d’une machinerie qui rend infiniment son dernier mouvement, mourant de son propre poids. Plus loin, l’affaissement de ces masses d’acier crée amoncellement et le volume enfle, portant presque à croire que la vitalité pourrait renaître. Mais ce n’est que sursaut, et le voile se mue en enveloppe aqueuse. Elle couvre le babillage de ces pas sans pieds, de cette conversation métallique sans mandibule. Et toujours le drone, vibrant comme le nerf, mais il est de métal. Submergé par la mer grisâtre qui ne filtre que peu de lumière, le modèle proto-industriel parvient à une expression des plus simples, des plus essentielles, et des plus réussies : le mouvement ne disparaît jamais. Ce n‘est pas signe d’optimisme, mais de relégation du dynamisme depuis la volonté jusqu’aux automatismes. Alors dépersonnalisée, la musique n’est plus le désespoir de personne. Elle est d’avant l’espoir. Elle ne le connaît pas. Elle est le gris qui ne connaît pas le bleu. Ou si peu.
Denis Boyer
2009-02-22