Les Arts Minis
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Mimetic, alias Jérôme Soudan, célèbre ses dix d’activités musicales en solo, qui l’ont placé dans une zone assez peu occupée, à l’intersection des musiques savantes contemporaines et de la musique électro-industrielle. Pour marquer cet anniversaire, il a choisi la double forme d’un livre, accompagné de deux CD présentant des pièces composées exclusivement de samples extraits des morceaux de ses disques parus durant ces dix ans. Le livre, dont toutes les pages sont illustrées de photographies (panoramas ou détails) réalisées par J. soudan, se propose, plus que la présentation d’une démarche de composition qui varie de la musique industrielle symphonique à une électro puissante minimaliste, de plonger dans les réflexions, les doutes, les joies et les peines de Mimetic au cours de ces dix dernières années. Je ne sais pas si cette incursion dans son intimité est ce qui doit intéresser en premier lieu l’auditeur. L’anecdote dissimule-t-elle la question principale de la création qui est pourtant approchée, dès l’accroche de la quatrième de couverture (« My head is filled with an immense white noise, surrounded by black (…) the sound at the root of our silence, and the violence of it wakes me up (…) » ? C’est délicat à dire, tant il semble que l’émotion lui soit indissociable – la puissance symphonique de certains de ses travaux s’expliquerait alors : évacuation par des milliers de couleurs de cette approche de l’atonie. Ce sont en fait les lignes écrites par quelques musiciens amis (P. Kendall, C. Zanési, F. Treichler, Phil Von…) mis ici à contribution pour évoquer Mimetic qui font le mieux comprendre sa démarche créatrice. On aurait aimé en apprendre encore plus sur le processus de transformation, et un peu moins sur sa vie. D’autant plus que cette création, la créativité même de Mimetic semble revigorée, c’est ce que l’on entend sur les deux disques. Son électro s’est allégée pour regagner ce qu’elle avait perdu en détails. Mais lorsqu’elle rejoint à nouveau la méticulosité, ce n’est plus dans la dimension cinématographique épique des premiers travaux – et peu importe en fait que les sons utilisés en soient tous issus, ils ont été lavés de tout souvenir, ils ont réussi ce que Jérôme n’a pu marquer dans son livre : le pas de côté, l’abandon du récit. C’est une épopée abstraite comme celle que certains artistes du label Raster Noton, COH et Nicolai en tête, savent faire vivre à leurs rythmes. Le souffle, le tempo cardiaque, belles crêtes chromées pour la vague de poussière aluminée, elle chante presque dirait-on, murmure fantôme avant la dissolution, mimétique de son propre habit.
Denis Boyer
2009-02-22