Alien8 Recordings
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Du métal qui habillait son précédent album, le duo canadien n’a gardé que la densité, se délestant des voix hurlantes. The die is cast est un disque de profonde et brûlante mélancolie et, répétitif et grésillant, il est aussi lourd et évanescent à la fois, comme bien des morceaux de Nadja – la chaleur a cet effet de liquéfaction puis d’évaporation. Mais dans cette brume d’où rien ne semble plus sortir que la tristesse subsiste encore une curieuse impression de paganisme et de chant de la nature. Du cœur du magma de cordes, s’élève comme en plainte médiévale le chant affligé de Geneviève, déroulé monotone jusqu’à une élévation en guise de refrain, qui fait alors descendre une cataracte d’accords clairs en écho à la subite clarté. Ce Moyen-Âge fantasmé est une silhouette et l’on entend dans les plis, dans les retenues, dans les percussions, dans les tournures de voix, comme une formule de passage vers un temps que l’époque moderne voit encore légendaire. Habillé de l’épaisseur sonore de Menace Ruine, ce voyage de folk littéralement apocalyptique rapproche d’un temps où l’on pouvait craindre une fin sans l’expliquer, où chaque manifestation phénoménale portait avec elle sa part de mystère. Pour faire étape entre là-bas et ici, nous pourrons choisir d’évoquer le Velvet Underground quand Nico l’habitait de sa voix de marbre. Ici, chaque morceau semble taillé d’un bloc, comme la grume que le bûcheron viendra plus tard débarder : un filon de corde lourde et enflammée, condensant le magnifique paradoxe d’une musique cold brûlante (le dernier morceau s’achève comme débutait le Forever de The Cure en 1982), la percussion ligneuse, l’effilochage de la distorsion orangée, et le chant envoûtant, comme celui de Lisa Gerrard pour une éternelle introduction à une chanson de Neurosis. C’est ce moment d’éternité que concentre The die is cast. L’on reste, à l’identique, totalement suspendu à son écoute.
Denis Boyer
2009-02-22