The [Law-Rah] Collective – Inspiration / The [Law-Rah] Collective – …as it is…

Ant-Zen
www.ant-zen.com
Spectre Records
www.spectre.be

Il est sorti récemment un disque à entendre comme l’un de ces points où les courants musicaux se mêlent, souvent délicatement sans qu’aucun limon ne colore trop violemment le flux que le torrent tributaire tente encore de garder avant de se dissoudre inexorablement dans l’ample cours. Ce disque, c’est Inspiration de The [Law-Rah] Collective. Pendant longtemps formation d’un seul musicien – Bauke van de Wal –, The [Law-Rah] Collective s’est augmenté de Martejn Pieck. L’épigraphe intérieure, citation de Psychic TV, est le programme de l’album et, partant, d’une grande partie de la musique ambiante postindustrielle : « This is the place where all roads meet, the place where all is secret. The place where time stands still in the comfort of night and love becomes will in the presence of light. I never want to leave. I never want to leave. I never want to leave. » Effleurement de l’état originel… Quoi de plus profondément introspectif que le drone, qui permet la sinuosité et la visite simultanée de plusieurs niveaux de tonalité dans le développement de ses harmoniques. Chemin bien plus riche que le Om tibétain, car il ne nous fait pas blanc, « antésignifiant » (et c’est là un autre programme), mais au contraire architecte, paysagiste, démiurge et tératogène même. Cette Inspiration est tout autant le souffle que le duo ressent à l’écoute de Psychic TV que celui qui nous soulève à leur propre fréquentation. L’image croît, celle par exemple d’un tranquille flot de lave qui dépêche inexorablement mais sans impatience son orange profond vers le bleu, celle encore du même flot qui se coagule en surface par de savantes mosaïques rythmiques rappelant le Accretions de Scanner. Ou encore les volutes vermillon que dessine le ciel en hommage au soleil couchant. Le fluide est de profonde mélancolie, et il faudra bien reconnaître un jour que ce courant est l’une des plus remarquables résurgences actuelles du romantisme primitif. “The basics from The [Law-Rah] Collective always were that you create your own imaginary movie and we’ll take care of the soundtrack” – « Pour The [Law-Rah] Collective, l’essentiel a toujours de créer la bande-son de votre film imaginaire. » Je dirais qu’en qualité de musique ambiante modèle, celle-ci permet même d’inverser le schéma, d’élaborer ses propres images mentales à partir des méandres musicaux qu’elle développe et de sa puissance métaphorique. En ce sens, ce disque est un manifeste. On peut vérifier cette fécondité sur un autre travail récent de The [Law-Rah] Collective, le double CD 3’’ …as it is…, publié en Belgique par Spectre. Si les variations de sons sont plus réduites, limitées à la déclinaison d’un drone vibratoire sur le premier EP, et plus profondément mélancolique sur le deuxième bien que tout aussi minimaliste dans la forme, si ces variations sont réduites, elles portent dans leur couleur, dans leur densité et surtout dans l’amplitude maximale de leur fréquence, une intensité dramatique pictogène, une contre-valeur picturale faite de rubans déployés, de cristallisations infimes. Un socle, un tapis textural plus lourd ou plus léger que l’air, selon les moments, sur lequel pourront prospérer d’autres imaginations. Il s’agit d’un autre retour à l’état originel, plus profond sans doute et ainsi moins documenté. Pourtant, aussi loin qu’il plonge, aussi affranchi de l’expression qu’il se produise (des voix surgissent même), il n’atteint pas à la dissolution – les plus audacieux – les plus difficiles – des monochromes ont cette valeur. Le brillant sur le mat, le grain sur le lisse, la dendrite sur l’uni. L’imagination en germe.

Denis Boyer

2009-02-22