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Le minimalisme de forme et de composition de Mika Vainio et Ilpo Väisänen, le duo Pan Sonic, pourrait pour plusieurs raisons laisser imaginer un tarissement de leur œuvre, dans l’ensemble remarquable. Les parutions se sont d’ailleurs espacées et, depuis celle du coffret quatre CD Kesto, de nombreux mois avaient passé. Ce coffret précisément, était une manière de bilan, montrant que leur exercice était plus large que la formule click’n’cut ne laissait apprécier. Pour qui a écouté Pan Sonic dans toutes ses profondeurs, il s’agissait en fait d’un grossissement, d’une focalisation et d’une exploration concentrée. Pulsation minimale bien sûr mais aussi drone et stridences constituaient les axes principaux de ce manifeste qui s’augmentait d’hommages déclarés à de grands noms de la musique expérimentale comme Throbbing Gristle, Keiji Haino, Bruce Gilbert, Alvin Lucier, Suicide ou Charlemagne Palestine. Etonnante décomposition prismatique de ce qui fait le rayon tout entier d’une musique, cette division entre quatre CD de tendances différentes (radicalement) montrait combien la concentration sur une partie (rythmique, dronique, sifflante) se montrait autonome et esthétiquement exemplaire. Le nouvel album, Katodivaihe, est d’abord un disque de la redistribution. Dans sa première moitié, les teintes sont de nouveau mêlées mais là où les pulsations analogiques étaient auparavant décorées par les périphéries bourdonnantes, les nouveaux morceaux montrent une représentation amplifiée de ce qui constituait la minorité musicale de Pan Sonic. Ainsi, dès le premier morceau, Virta 1, dans ce gris dédale d’un rock’n’roll de galène, on est prévenu de la nouvelle hydratation, qui prend la forme d’échos de cordes de violon. Les rafales percussives et leur décompression de basse quittent le premier plan pour devenir le socle d’une mélancolie parcellaire. Les nappes, par endroit, confirment cette apparition de la couleur et de l’émotion. Qu’on ne s’y trompe pas. Si les organes non rythmiques de cette musique qui semble plus organique que jamais ont été réévalués, il s’agit toujours de la déclinaison d’une même formule, aux phrases percussives en cascades mid-tempo. Le crépitement analogique, le claquement de tôle, la vibration courte de la languette de bakélite sont redécorés, redorés. Si l’on veut bien écarter quelques passages de la seconde moitié du disque qui s’effondrent dans des sifflements à l’élégance parfois contestable, l’ensemble s’entend comme une version régénérée et, partant, revigorée de la musique de Pan Sonic. La couleur des cordes et d’autres allongements s’apparie donc parfaitement à l’univers du duo. C’est cette teinte précisément que Ilpo Väisänen a choisie dans sa formation parallèle Angel (un premier disque avait paru sur Bip-Hop). En compagnie de H. Gudnadottir (Lost In Hildurness) et D. Dresselhaus (de Schneider TM), il s’emploie à montrer leur plus grande expressivité dans un déploiement minimal. En d’autres termes, il s’agit d’activer la plus grande évocation dans la mise en œuvre de phrases simples. Guitares tout d’abord, comme les riffs isolés de quelques travaux de Fear Falls Burning, et sécheresse affligée comme on la trouve chez Keiji Haino. Plus dense dans sa construction que le premier, moins effiloché que le second, ce groupe a dans sa musique passé le cap de l’abstraction pure (comme beaucoup des morceaux de Pan Sonic, qu’on hésite peu à qualifier de rock) pour se situer dans une région intermédiaire de première formule. Celle-ci, loin d’être figée, se déroule comme un lointain folklore, pourquoi pas d’Europe de l’Est, ou d’Amérique de l’Ouest, mais l’on entendrait dans ses soirs de fête que le vent danser, la poussière tourbillonner, tant le paysage semble désert de toute présence humaine. Sur le long et élégiaque morceau d’introduction, Bones in the sand, la guitare se laisse peu à peu fréquenter par le violon, qui colonise la suite du disque, dans une construction de phrases timides, allongées et cendreuses. La demi-clarté qui ne parvient pas à s’imposer par l’entrebâillement laisse l’imagination suppléer le regard, elle favorise la naissance de phosphènes sonores, des vrombissements comme le moteur d’un vieux projecteur super 8, des émanations d’électricité statique. Et toujours ce violon, bientôt un violoncelle, qui s’emploie à façonner l’ébauche, courageuse et opiniâtre manœuvre de l’instrument ému dans le champ désolé de l’air corrompu, de la pièce insalubre. En brave fantôme mélodique.
D.B.
2008-03-20