C’est dans la pluie que débute cet album d’Anthony Pateras, le premier qu’il réalise seul sur piano préparé. Mais c’est une pluie figurée, de martèlements – il rend au piano toute sa nature d’instrument percussif –, qui vite se fait assez dense pour s’agglomérer en roulement, tournoyer comme un petit cyclone. Lumineux comme un gobelet rempli de verroteries, agité frénétiquement, il scintille, clignote, s’apaise pour attaquer les notes graves et terminer le balayage des cordes. Une fois ces présentations faites, ce tour de chauffe effectué, ce qui pourrait s’éterniser en circonvolutions encore chaotiques devient peu à peu une représentation de symphonie liquide, évoquant Varèse et Cage et peut-être plus encore Charlemagne Palestine lorsqu’il fourmille sur les carillons. Le premier morceau de l’album, Residue, connaît un autre dénouement, précisant encore la puissance dramatique de la composition de Pateras, en ce sens qu’elle prépare son moment de résolution en accumulant les tensions et en creusant les fameux gouffres du titre de l’album comme des trous de pression. C’est là, parmi des averses de heurts aigus se faisant rares comme l’herbe grasse sur la lande qu’apparaissent des gestes de piano plus classiques, un plaquage d’accords, une évocation des notes les plus funèbres et de leurs résonances (celles-ci ne sont emmenées dans le sillage d’aucune autre car elles ne pleuvent pas, elles s’abattent). Elles sont peut-être ce que les minutes de patiente érosion cristalline ont préparé, une brèche, un abîme, accessible par la transe des gouttelettes.
D.B.
2007-11-23