Maninkari – L’Océan rêve dans sa loisiveté

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three:four records
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Il n’est pas que l’océan qui rêve dans la musique du duo Maninkari. Cette virtualité onirique panoramique fait de leur musique une matière ductile, en constante renégociation de ses formes, à moins que, à l’inverse, ce ne soient la musique et sa morphologie qui conditionnent l’ambiance du rêve. Toujours est-il que dans le domaine ambiant et dans le même temps peuplé de leur musique, cet album n’use que peu du bourdon, alors que les deux volumes de Continuum sonore en sont traversés. Figure de l’indifférencié, du retour à la matrice, de cette frontière – liminalité – où les différences entre la vie et la mort s’abolissent, l’océan n’est pas pour autant un plan d’entropie ; sans cesse sa surface s’agite, quand ce ne seraient que de vaguelettes. Ici, la ride et la crête sont jouées par de multiples instruments, qui s’étirent et se bouclent, empruntent à des traditions musicales orientales qui ont établi des rapports cycliques avec le temps et, décidément, la musique de L’Océan rêve dans sa loisiveté est tout en flux et reflux, en tour merveilleux et solaire. Orgue, cordes, lointains froissements de métal, mais aussi des instruments exotiques tels que « bodhran, cymbalom, santoor, zurna »… traversent des résonances, naviguent au gré de fredonnements antiques, cap sur des mélancolies cold wave comme en filtrent Troum : une injection expérimentale du mantra dans le rock. Une abolition du temps dans l’introspection, portée par de discrètes percussions qui, si jamais elles ne sont oubliées, scandent avec la plus parfaite analogie le fragile miroitement du soleil rasant sur les ondes, alors que d’autres rayons, encore vigoureux, fusent, orangés, rasant la surface dans la compagnie de l’oiseau qui pépie. Portée en ce point où le champ et l’océan ne font plus qu’un, la matière onirique se suspend, vibrante, uniquement vibrante.

Denis Boyer
2015-03-03