Attenuation Circuit / Zhelezobeton
Cette alliance de Chris Sigdell (b°tong) avec Sascha Stadlmeier (Emerge) peut s’entendre comme une condensation, un point d’étape du geste de la musique ambiante industrielle, plusieurs années après sa théorisation. Cela ne signifie pas qu’elle en accumule les poncifs, mais plutôt que la musique de ce duo s’organise suivant un A.D.N. solidement codé quoiqu’encore libre de mutations.
L’héritage se manifeste tant de manière électronique que physique, dans la corde que dans l’effet ; l’ambiance – puisque la musique ambiante, même de manière inconsciente, se ressent dans l’atmosphère qu’elle fait naître – l’ambiance est généralement celle de la claustration, de l’inquiétude, de la grisaille, peut-être pas tant par complaisance, que par adhésion à une esthétique entropique.
Voici donc à l’intérieur de quoi évolue la musique de cet album. Elle est d’abord exhalée par des cordes, s’allongeant lentement en vapeur, dessinant en seconde instance leur cocon de drone, et fredonnant presque avant d’évoquer une musique rituelle. Le long morceau d’ouverture, constituant à lui seul un tiers de l’album, peut ainsi évoquer les lointains prédécesseurs Zero Kama ou Skullflower, à cette considérable différence près que les cordes ne se déchaînent pas après avoir élevé leur température. La chaleur est ici maîtrisée pour maintenir les boucles évanescentes, et laisser lentement, très lentement s’installer, si ce n’est s’instiller, le rythme venant confirmer la lente élaboration organique que les musiciens s’ingénient à figurer.
C’est une particularité qui n’est pas nouvelle (pensons à Troum) mais qui a toujours le mérite d’enrichir un tel exercice : refuser de se cantonner à l’évocation du métal, de la poussière, du béton, laisser la chair et les fluides coloniser le geste, cela rend l’image plus subtile, plus riche de possibles. En tout cas c’est une ouverture plus large que celle choisie pour clore le morceau, celle des voix fantomatiques, gimmick éculé dans le style, puisqu’il plaque une ambiance singeant disons, Le Bunker de la dernière rafale. N’est pas Lustmord qui veut et cet ajout, répété plus loin dans l’album, marque les moments les plus dispensables.
Heureusement la progression dans la suite des morceaux se fait de manière plus paysagère, posant ses reliefs, ses dépressions, ses traînes de fredons mélancoliques tout en conservant les écoulements industriels. Le deuxième morceau est à cet égard un modèle d’équilibre, fortement émotionnel tout en conservant un socle abstrait affranchi d’une pesante narration.
Le dernier morceau, Featherlike, occupe un tiers de l’album, tout comme le premier, dont il peut s’entendre comme le reflet : condensé sur des émanations de cordes traitées, balisé de quelques échos de percussions lointains, il est lui plus lumineux, montrant qu’une même ascension peut dévoiler des images différentes, suivant le climat. Plus prosaïquement ici ce sont les résonances utilisées, qui aussi consentent à s’assombrir avec de nouvelles interventions de voix, plus à propos par l’installation d’une véritable herse rythmique, borne du campement humain dans la brume rocailleuse et funeste.
Denis Boyer