Netherworld – Vanishing Lands

Glacial Movements

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La vague, le miroitement, les figures savantes que le vent imprime sur la neige – comme ailleurs sur le sable – depuis la crête jusqu’au thalweg, voilà le fonds textural et poétique qu’Alessandro Tedeschi exploite depuis qu’il compose et joue sous le nom de Netherworld. Artiste sensible, fasciné par le grand nord et ses imposantes étendues glacées, il leur a aussi dédié son label, Glacial Movements, où il invite des figures connues de la musique ambiante, et d’autres qui le sont moins, à donner leur bande-son du tableau septentrional.

Vague et miroitement n’ont pas été balayés ici, dans ce nouvel album Vanishing Lands, mais fragmentés. Car sans jamais être une musique à programme, celle de Netherworld est assez sensible pour toujours témoigner de l’état d’esprit qui a guidé sa composition. Évitant le sentimentalisme, Alessandro Tedeschi parvient à figurer la fragilité de l’instant sans effacer l’éternité. Ici, le « cri de désespoir » qu’il dit lui-même faire passer concerne à l’évidence le danger et les conséquences désastreuses que le bouleversement climatique imprime sur les régions boréales. Alors sa musique, comme jamais avant, prend de nouvelles tournures expressionnistes. Ce sont celles de la lente érosion, qui font apparaître les différentes strates de manière plus manifestes, et laissent entre elles un espace plus important, qui devient demeure de manifestations plus… humaines.

Des fantômes de voix, des samples d’instrument à corde comme un lent coup de lame, des crépitements, quelques chutes infimes… tout cela met sur la peinture isolationniste une touche formelle qui, sans s’étendre jusqu’à la figuration, effleure la composition orchestrale. Seul pourtant, avec sa sensibilité, son projet, son talent, Netherworld atteint la justesse d’un William Basinski lorsqu’il dépeint l’affliction en combinant des boucles d’une beauté lacrymale empruntées à un idéal pastoral. Mais Netherworld, à l’inverse de l’artiste américain, ne joue que très peu sur la répétition. Le train complet de sa musique, jusque dans les recoins les plus ténus, survolés de voix fantômes bouleversantes, les plus proches du silence, de l’effondrement, ne cesse de s’étendre, toujours devant, subtilement changeant, planant ou fondant sur un paysage désolé, mais toujours baigné d’une fragile lueur qui parfois s’augmente jusqu’à l’éblouissement mélancolique. Grondements, effritements, fredons, restent opiniâtrement héliotropes, en attendant l’effacement…

Denis Boyer