Meta Meat – Infrasupra

Ant-Zen / Le Label Beige

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Ce deuxième album de Meta-Meat – amalgame de Phil Von et Hugues Villette (2kilos&more) accompagnés du désormais indispensable Def – c’est comme la vieille parabole de Tchouang Tseu, dans laquelle on ne sait si c’était l’homme qui se rêvait papillon ou le papillon qui se rêvait homme. Phil Von, le meneur de Von Magnet, le Computador, le Mezclador, le cyber-gypsy, est-il l’homme du sable, de la sueur, qui se rêve machine, ou le computeur, le complexe de silicium qui se rêve danseur et chanteur flamenco ?

Au-delà de la chair, encore, « meta »-meat, mais cet au-delà est-il celui de la machine ou celui de l’esprit ? Pour suivre ce chemin de pénombre, intéressons-nous d’abord au rythme qui comme dans Von Magnet est l’ossature indispensable. Un premier morceau, pour des musiciens de cette expérience, n’est pas choisi au hasard. Celui-ci, Animal, débute dans des souffles scandés qui, mis en cadence, finissent par convoquer un rythme tellurique. Tel le haut, tel le bas – infra / supra. C’est ainsi que de l’organique, le mécanique surgit sans déchirer la trame. À ce point de fusion, qui met en œuvre les bras comme les jambes, les formes se dessinent dans le sable, curieux alphabet frappé à coup de tambour et de côtes. Toutefois il peut leur arriver de reléguer le fameux rythme au profit de la viole de gambe (sur le morceau Dichotomy). L’album se veut précisément point de jonction entre l’escarpé et le sinueux, le « primitif » et le sophistiqué, l’inconscient et le réfléchi.

C’est pourquoi il mêle – brillamment – les percussions manuelles et les rythmes digitaux, les inserts acoustiques et les solutions électroniques et samplées.

Bâti de toute façon sur le rêve d’un primitivisme revisité, projeté dans le vingt-et-unième siècle, il n’a rien à voir avec de navrantes bigarrures world music telles que la techno globalisante a commises il y a une trentaine d’années. Ici, le geste est bien plus humble, quand même il se déploie de manière panoramique. De même, les voix, quand elles sont présentes, qu’il s’agisse de celle de Phil Von ou d’autres rapportées, n’ont pas de prééminence appesantie ; ce sont plutôt, comme issues d’un rêve, des voix d’autres ondes, des voix d’autres mondes.

Le travail sur des séquences conçues comme « tribales » montre peut-être davantage la recherche intérieure de ce qui ferait le rythme sinon primitif du moins primordial. Et ne pas se contenter de singer un exotisme fantasmé mais apposer à ces pulsations « retrouvées » le filtre de sa propre modernité répond autant au projet enlaçant immanence et transcendance, infra et supra, qu’à un geste délibérément esthétique fusionnant corps se rêvant machine et machine se rêvant corps.

Denis Boyer