Troum & Monocube – Contemplator Cæli (LP)

Transgredient

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Il y dans le musique de Troum un attrait certain pour la circularité, et de la même manière les thèmes qui traversent la musique du duo allemand tournent autour de motifs réguliers : la dissolution, la contemplation, le lien des êtres et des choses avec le cosmos primordial, la stimmung… Héritiers assumés du Romantisme allemand, Troum déclinent cette « nostalgie de l’unité » avec leurs instruments de prédilection : guitare, accordéon, mélodica, mais aussi des voix, tissées avec les instruments sur le vaste métier nocturne où le traitement électronique (ou l’érosion électronique pour reprendre l’expression de Michael Begg) joue la navette. Les réseaux d’amitié, les affinités musicales, ont fait que Troum est malgré cette inclination pour la mélancolie, le contraire d’un groupe isolationniste, et leurs collaborations sont nombreuses. Ici, c’est avec un musicien ukrainien jouant sous le nom de Monocube, dont l’univers parcouru de drones de guitares est très proche de celui de Troum. C’est donc une fusion sans accroc plus qu’une confrontation. Aussi bien le thème directeur de l’album appelle un tel accord : la contemplation du ciel nocturne, comme paroi de la nuit et plus encore comme écrin des corps célestes (les petits éclats de couleurs dans le vinyle transparent semblent le pendant optique de cette évocation).

Musicalement, l’album évolue insensiblement de l’épanchement d’harmoniques habilement distribués entre l’abstraction et l’appel de la figuration. C’est pourquoi la première face, dont les titres affirment la circularité et l’équilibre des forces, s’éveille dans le flux et le jusant des vagues de l’accordéon qui dans leur laisse déposent le fredonnement fantôme des harmoniques tombés du ciel. Ils inaugurent des déploiements lumineux, des murmures métallisés portés par la marée d’équinoxe,

Il suffit d’aborder la seconde face du disque pour dérouler un peu plus le fil des résonances, et ce qu’elles gagnent en linéarité, elles le perdent en lumière car c’est une musique qui se lance à la suite des étoiles errantes, et alors accepte de partir dans le froid et le lointain presque bleu de l’univers, tombant dans les plus basses tonalités et s’achevant dans le plus précaire des filins. Il est toujours question de nuit dans cette musique, la nuit qui accueille comme la nuit qui perd, une musique ambiante chaude dans ses boucles savantes mais aussi lieu d’inquiétude. Il est de notre vie nocturne comme de cette musique, et il faut accepter avec bravoure et enthousiasme de s’y plonger sans même imaginer un retour.

Denis Boyer