Nowhere Worlwide
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Résidant depuis plusieurs années aux Pays Bas, Francisco López a été sollicité par le collectif artistique Soundtrackcity qui programme des « promenades sonores » à travers différents lieux. Ici l’île de Vlieland qui recèle des environnements naturels comme il en reste peu, réserve de nature intouchée. López, en artiste des dynamiques du son, en scientifique également puisqu’il a été professeur de biologie, travaille depuis de nombreuses années sur la nature du son et, pendant longtemps, ses sources n’étaient que rarement dévoilées. Depuis quelque temps, il semble s’être réconcilié avec l’endroit, je veux dire qu’il consent de nouveau à circonstancier ses travaux, et il propose à l’écoute des compositions attachées fortement à des lieux. Ici, le rapport est incontestable puisque, sur différents sites de l’île, accessibles à bicyclette ou à pied, il a placé des bornes permettant d’écouter in situ, une composition associée à cette station. Quant à la musique, il est intéressant d’entendre combien il oscille entre le drone chtonien qu’il a décliné si souvent, par strates, par couches mouvantes, par effondrement, par lents mouvements tectoniques, comme sur la première pièce, Forest dip, et la composition aérée de la deuxième, Forest Hill, festonnée de sons reconnaissables du lieu, comme les chants d’oiseaux qui tracent une signature spatiale et temporelle de la station d’écoute. Le flux grésillant, mouvement des airs comme du sable, forme tapis, orchestre pour leur chant polyphonique toujours plus présent lors de la troisième station dans la piste qui lui est dédiée. Voilà pour les exemples. L’immersion est stupéfiante, parce que la forme de stockage choisi, la carte USB, permet de conserver sans compression la longue durée de chaque pièce (plusieurs dizaines de minutes). L’expérience est « lópezienne », elle demande une attention qui s’affûte sur les volumes (les pièces débutent généralement avec quelques secondes de quasi-silence), s’augmente par strates comme nous l’avons déjà rappelé, et met en valeur les qualités de tous les flux sonores qui ont servi aux compositions, jusqu’au sertissage de sons l’un dans l’autre : la plage – Beach (la quatrième piste) –, parvient à s’entendre à la fois minérale et humide.
La grande difficulté, surmontée ici, fut sans doute, gardant les dynamiques sonores les plus remarquables pour éveiller une sensation sinon musicale du moins harmonieuse, de respecter la nature même des sons captés et tramés. La visite donne ainsi une double lecture sonore du paysage et celle de Francisco López s’apparente assurément à la posture du rêveur, casqué, superposant les expériences immédiates d’une part et artistiquement refaçonnées de l’autre, un rêveur qui jurera peut-être que le paysage s’est insensiblement transformé sous l’effet de ses sonorités idéales.
Denis Boyer