Ferns Recordings
Pour Terroir, BJ “Benny” Nilsen a choisi de rendre compte du processus d’élaboration de vins autrichiens en captant les sons des vignobles (le « terroir »), de leur récolte, de leur fermentation durant la vinification. Cela surprendra ceux que la nature généralement austère de sa musique pousserait à imaginer un homme ascétique. Mais Benny est un bon vivant et il a tenu à illustrer ce qui semblera un paradoxe avec ce disque, éloigné de ses thèmes d’élection (la ville, la nuit, les éléments, ou les ambiances sombres de ses premiers travaux sous le nom de Hazard). Terroir est une musique concrète assez riche et homogène dans le même temps pour générer deux types d’images ; les premières sont dues aux captations reconnaissables, moteur, déversement du jus, action de machines ; les autres, presque plus nombreuses, profitent de l’écho des grands espaces pour se disperser dans l’anonymat et développer avec ampleur des harmoniques inattendus.
L’on pénètre ainsi au fur et à mesure dans plus de résonances, toujours plus de résonances, traversées d’un flux vertical, dont on ne saurait précisément définir la direction, descendant comme l’écoulement, ascendant comme le travail patient de la fermentation. C’est alors que l’alchimie musicale prend toute sa valeur, ce beau travail est celui de la fermentation des sons autant que cette autre des grappes, qu’il illustre. Malléable, ductile et vaporeux suivant le lieu de sa robe, Terroir s’entend presque comme une aventure – les pas qui parfois progressent, le disent aussi bien que les moteurs – et les stations mettent l’oreille dans l’ivresse des vapeurs d’une lente chimie du son et de sa brillance : déambulation dans les harmonies des chais, immersion dans le diaphane qui diffracte les harmoniques aussi bien que le verre face à la lumière dévoilera les dégradés du jaune ponctué par la plus pure tache d’or.
Denis Boyer