Room 40
Je n’ai jamais pu penser la musique de Janek Schaefer autrement que comme mélancolique et lumineuse dans le même temps. Glitter In My Tears peut s’entendre en ce sens comme un manifeste confirmant ces dynamiques, un pont entre nuit et jour. Zone liminale de choix, la musique de Janek Schaefer est un crépuscule encore très solaire, un triomphe de l’astre dénudé, aux portes du sommeil, projetant ses rayons les plus rosés, carnés.
L’artiste nous dit que l’album est une collection, réfléchie et raisonnée, composée « au cours des dix dernières années, quand la plupart des gens dorment dans le noir alors que les plus chanceux dansent encore sous la lumière. » Ces moments brumeux, intermédiaires, J. Schaefer les traduit par les longs fuseaux d’harmoniques dont il est un des principaux artisans, par la qualité d’un souffle qui emprunte au vent sa profonde sensualité et sa virtualité voyageuse, par les crépitements qui minéralisent la fontaine comme les nœuds parsèment le bois, comme la silice signe la terre cuite. Vingt-six morceaux, autant de vignettes ensommeillées, émerveillées, contemplations de la texture, d’un ciel musical où pour sa dernière représentation le soleil festonne les nuages et, disparu, peuple encore la nuit par persistance rétinienne – les étoiles seraient-elles, dans la nuit claire, autant de phosphènes fantômes de notre soleil ? La qualité de l’ondulation, sa ductilité font de chacune des pièces de Glitter In My Tears le témoin unique d’un instant émergeant du rêve: discrètement soufflante, bouclée d’un vestige orchestral.
Ce n’est assurément pas le disque le plus marquant de Janek Schaefer, pourtant il se montre aussi précieux que ce reliquat du songe, au matin, dont on sait que les minutes à suivre l’exileront de la mémoire. Nous avons le loisir, au contraire, de rejouer les petits brillants salés de Janek Schaefer, chaque fois que la nuit consentira un peu de lumière.
Denis Boyer