213 Records
Les deuxième et troisième volumes de la série « Synesthetic Alchemy » du label messin 213 Records ont en commun, outre le goût de l’expérimentation, de l’improvisation, d’être mis en œuvre par le batteur Bastien Champenois.
La première fois dans un duo, Ensync, avec le musicien italien Riccardo Gamondi crédité à « l’espace » alors que B. Champenois l’est « au temps ». Comprendre que la batterie, le rythme du Français, est retravaillé, retraité, « spatialisé » par l’Italien. La cadence réservée aux tomes est souvent chaloupée, pour des séquences répétitives proches d’un rythme cardiaque nocturne, crocheté de loin en loin par le rêve. Autour de cela les manipulations sonores de R. Gamondi montent en vagues, de lumière ou de terre, voire d’ozone crépitante, une lente phase nuiteuse, une patiente sudation le long de stalactites.
Filant la métaphore spéléologique, on descendra plus loin avec Gouffre, groupe dans lequel B. Champenois est percussionniste, jusqu’à une chambre d’inquiétude où règne une tension rituelle – peut-être y invoque-t-on des démons mâles. Les percussions sont désormais reconnaissables, reprennent un jeu éprouvé par nombre de formations postindustrielles. Mais elles ressurgissent ici dans plus d’organicité, et autour d’elles bourdonnent des cordes de diverses hauteurs. Le fond cesse alors d’exister comme repère solide, devenu aussi précaire que le temps. Le voyage devient stupéfiant, convoquant des voix (tirées du film Incubus, de 1965), aboutissant, sur la seconde face, consacrée aux succubes, à la libération bouillonnante du magasin d’énergie tellurique, dans une montée rock chevauchante évoquant Skullflower. Et la chaleur, à mesure que l’on approche le centre de la Terre, est plus sensible…
Hormis bien entendu cette capacité d’évocation, on ne perçoit pas plus l’intention clairement synesthésique dans la conception de ces deux disques qu’avec le LP d’A Casa, premier de la série « Synesthetic Alchemy ». Peut-être soucieux de gommer ce flou, le label annonce la sortie d’un quatrième volume de la série, un LP de Klaus Legal (qui utilise des synthétiseurs photosensibles), s’inscrivant cette fois pleinement dans le projet : « de la lumière qui fait de la musique ».
Denis Boyer