213 Records
Le musicien argentin Joé de Diego, invité à inaugurer la série « Synesthetic Alchemy » du label messin 213 Records, aborde sur le même disque plusieurs formes minimalistes qu’il parvient à rendre compatibles. L’ouverture du LP Escaleras abajo de los arbelos se fait dans une sorte de shoegaze naturaliste : boîte à rythme, chant éthéré, orgue, field recording mêlant dans un même flux écoulement aqueux et crissement d’insectes. Ces ailes frottées introduisent à un rythme plus tribal, un changement de déroulement qui suit un déhanchement cerné de tintements cristallins. C’est naturellement que s’inscrit dans ces sillons une basse continue, moussue et humide, peut-être sur les traces d’Aguirre qui descendit le fleuve comme d’autres le remontèrent au cœur des ténèbres. Après tant d’onirisme halluciné, s’opère une nouvelle fusion de l’électronique et de l’orgue, du rythme acoustique et du drone, dans un creuset étamé de brillances postindustrielles et post rock. Alors se développe avec exubérance, amplifiée dans les vapeurs levées par José De Diego fait alchimiste, une résonance naturaliste, projet annoncé par le musicien. En cela c’est une réussite. Plus loin, en ouverture de la face B, on peinera, sans succès, à retrouver de telles ramifications. C’est un filin de traitement de l’aigu, escorté d’un crépitement. Rien de moins organique… jusqu’à ce que se lève un vrombissement qui accueille la musique en sa caverne, dans quoi résonne une voix lointaine et exaltée, laissant paraître, à mesure de son emportement, des traitements d’orgue électronique. Cette préparation qui aurait pu être moins longue dans sa séquence introductive parvient pourtant au point d’équilibre d’un nouveau bouillon organique, essentiellement différent de ceux de la première face car exempt de rythme. Je n’ai pas saisi quel argument synesthésique le musicien argentin a choisi pour respecter le mot d’ordre de la collection. En revanche, il participe brillamment au grand œuvre de mutation de la musique en stupéfaction, enraciné dans le kraut rock.
Denis Boyer