Francisco López – Untitled (2012-2014) 2 CD

R-9732581-1485509501-4298.jpeg

Purple Soil

purplesoil@centrum.cz

 

Il ne faudra pas chercher d’autre cohérence thématique, entre les titres qui composent ce double CD compilation édité par le label tchèque Purple Soil, que la période relativement restreinte durant laquelle Francisco López les a enregistrés, de 2012 à 2014.

Pièces éparses, à la méthode et aux sources extrêmement variés : matériaux fournis par d’autres musiciens, sons trouvés en Amérique du Sud et Amérique Centrale, en Crète, en Afrique du Sud, ils montrent aussi un geste de plus en plus ouvert. Si ces morceaux sont tous « Untitled », ils manifestent une identité qui paraît remonter plus loin que la recherche des qualités sonores de leurs sources pour elles-mêmes, consubstantielle au tempérament de compositeur du musicien espagnol. Ces pièces semblent posséder également leur propre dramaturgie. À quel point cette mise en scène est-elle volontaire ? car l’on sait que Francisco López refuse de manière générale l’approche romantique dans sa composition. Il reste que, au-delà des effondrements, des reconstructions, des densifications, habituels dans l’œuvre du musicien espagnol, on entend ici des « images », des lieux qui se créent ou se recréent dans ce qui ressemble bien à une narration, avec des ouvertures et des fermetures et, au milieu, la tension du déroulé.

On goûtera l’expressionnisme par exemple de la plage 3 du CD1(Untitled 302) qui dans son intensité cinématographique se construit autour de fantômes de voix jusqu’à les intégrer au bouillonnement, au crépitement vivant de toutes les fréquences ajoutées. Ou encore la dramaturgie dans la plage 5 (Untitled 296) : yeux bandés  –  comme pour un concert de Francisco López –, on navigue sur les brumes psychotropes d’une nuit soviétique, le fourmillement métallique y est atténué ou prolongé, dans le goulot de voix dont on ne sait mesurer l’éloignement, émettant dans chaque écho ferroviaire une vapeur qui ajoute à la délicieuse perte d’équilibre.

Ainsi, au milieu des fuseaux de bruit blanc dont l’albédo est sans cesse recalculé le plus subtilement, López a construit des couloirs qu’il a décorés, durant ces deux années visitées et compilées, de pétillements, de percussions lointaines, de voix, ou encore il a traversé des landes résonnantes, à quoi il a accordé un surcroît de ce qu’il convient bien d’appeler une histoire. Il met plus que jamais en avant les qualités sonores de son matériau mais il semble que tout aussi bien il décuple son potentiel onirique.

Denis Boyer