Rapoon – Song From the End of the World

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Glacial Movements

www.glacialmovements.com

 

« … Un univers, pour être en expansion, suppose un passé plus dense – si dense qu’il explose. Si cette explosion a eu lieu, elle suppose à son tour une chaleur si extraordinaire qu’elle devrait émettre encore un rayonnement fossile. En 1992 un satellite nord-américain baptisé Cosmic Background Explorer mit au jour ce bruit de fond de l’univers, exhuma ce rayonnement obscur fossile, décela cette trace de jadis. » Pascal Quignard, La Nuit sexuelle

Inspiré par la découverte récente d’un mégavirus dans le sous-sol sibérien, Robin Storey / Rapoon réalise son deuxième album pour le label italien Glacial Movements. Avec Robin Storey, le thème de la glace, de la zone polaire, qui guide toute adhésion à ce label, se lit de nouveau comme facteur d’entropie – une Europe couverte par la glace en effet retour du réchauffement climatique sur Time Frost en 2007 (les boucles du Beau Danube bleu soumises au filtre givrant), et aujourd’hui une autre catastrophe, patiemment retenue dans la glace et remise au jour par les biologistes. Une fin de l’humanité causée par un virus préhistorique, voilà le thème d’un récit de science-(de moins en moins)fiction, et maintenant le prétexte à une belle série de compositions.

Au virus en dormance, au bruit de fond de la naissance de l’univers, Robin Storey propose en réponse un chant de fin du monde, le chant d’une autre nuit. Maître de la boucle, il réunit en manière d’introduction le crépitement d’une glace en douce fusion, la résonance miroitante d’une surface en ébauche de mouvement et la ritournelle d’une phrase de corde dévorée par sa propre réverbération dans les stalactites de glace.Apparaissent ensuite, de loin en loin, des voix, bouclées pour la plupart, incorporées à la réverbération comme toujours dans le geste de Rapoon, fredonnant en un seul son modulé la formule d’un récit mythique remonté non du début des jours mais depuis leur fin (Robin Storey écrit « This is my song from the end of the world »). Toute la musique de l’album se meut sous la surface d’une glace qu’elle concourt à contrarier, à sculpter et parfois à perforer. Le mélange des températures, des humeurs, des densités, se concrétise en cristallisations horlogères, en flots bourdonnants, en fuseaux de voix fantomales. La navigation sourde s’illumine et s’enlumine, la vague et le bourdon s’accordent à l’appel de la lumière, répondent par ce chant qui parfois prend voix masculine (celle de Robin Storey lui-même) en incantation. Toute matière tend ainsi à rejoindre la glace amollie, à s’y dissoudre pour recristalliser plus loin. Parfois, le tour est escarpé (touches de piano, cordes de violon s‘élevant puis repleuvant), marbrant le paysage sonore. Contemplant une telle musique, à mesure que l’album s’écoule, ne voit-on pas, de plus en plus panoramique, le tableau mouvant d’un drame infernal où les puissances éveillées se rappellent la fin…

Denis Boyer