Staalplaat
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Les influences avouées de Wouter van Veldhoven sont très nombreuses, balayant les noms les plus significatifs de l’electronica accidentée et expérimentale représentée par les labels Spekk et 12k. Pourtant, il manque à mon sens un nom essentiel, au regard duquel la musique de Wouter van Veldhoven s’impose : Steve Roden. Ce n’est pas tant dans la forme – le travail de Wouter van Veldhoven est principalement réalisé à l’aide de magnétophones, de samplers et de claviers – mais essentiellement dans l’esprit et la respiration. On a affaire, en tout cas sur cet enregistrement live effectué pour la radio néerlandaise VPRO, à la douce circularité de sons érodés et fragiles, révélant dans leurs craquelures et leur souffle court, un besoin d’en dire tant et plus vite sur la mélancolie qui accompagne leur faible condition. Certains sons dénoncent la cécité des êtres souterrains ou pélagiques ; au-dessus d’eux mais si peu (comme si chaque strate était une mince pellicule), la vibration d’harmonique, ténue, captée en son instant d’allongement, en essor d’expression, mais timidement rétractée comme intimidée par la beauté de sa propre lumière, qui lui revient en ondulations amusées de leur reflet mélodique. Enkysté de crépitements comme les imperfections d’un vieux vinyle (mais c’est bien plus fragile que ce que l’on attendrait de Janek Schaefer ou Philip Jeck), cet humble déroulement évoque bien vite des sons à l’opposé de quoi il est fabriqué : ceux qu’organise dans ses lois impersonnelles la nature quand dans les crissements et les chants du bois, l’air, les feuilles, les insectes, les oiseaux semblent obéir à l’injonction primordiale de la symphonie. Tout aussi modeste, celle-ci est aussi proche de son essentiel, un flot d’émotions en préparation, dans le plus délicat appareil, à quelques instants de la cristallisation. Et ce moment de grâce s’étale en manière d’éternité sur les dizaines de minutes de l’album.
Denis Boyer
2010-01-18