Ewers Tonkunst
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Dans les morceaux qui constituent Creatura per creaturam continetur, on reconnaîtra particulièrement la façon de Troum, ce qui n’étonne pas lorsqu’on sait que la plupart des sons ont été fournis par Reutoff et que le duo allemand en a non seulement ajouté, mais a procédé seul à leur composition et à leur agencement. Il reste à observer, dans la mesure du possible, ce qui est de la contribution de chacun, et dans quelle mesure la teneur du matériau a su déterminer la construction. Les morceaux débutent dans un quasi-silence, et c’est ensuite comme une patiente naissance de la musique qui montre plus d’obscurité que dans la plupart des travaux récents de Troum développés sur des réverbérations d’harmoniques. Ici, les souffles sombres et froids sont nombreux, exhalent des chants du lointain, de l’éther inexploré. Ils brument un paysage que l’on devine ouvert mais dont on peine à cerner les contours. Des poches se créent, des boucles, où se love une manière de chaleur, et c’est là que se concentrent les vagues d’allongements de cordes, le fredonnement d’une mélodie à venir, pour l’instant prototype articulé sur peu de notes harmonisées dans leur troublante alliance de lumière et de tristesse. L’intégration de l’orangé au bleu nuit se produit alors naturellement, toujours en rubans vers ce point de lumière intense. C’est le bouillonnement qui s’ajoute, et le nuancier qui s’élargit, assimilant le gris et le noir, ou plutôt les rapatriant, qui ont longtemps nourri la palette d’anciens travaux, depuis les expériences plus marquées par la musique industrielle, de Maeror Tri, le précédent alias des Allemands. Quant à Reutoff, on comprend ici la puissance régénératrice que la formation russe a jouée ici, ses sons obligent à une éclosion dans l’abstrait, dans la mine, dans la pluie, l’ascension vers la clarté n’en est que plus troublante.
Denis Boyer
2009-09-26