Aufabwegen
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Les saisons sont trop pleines de couleurs, d’odeurs et de sons pour ne pas se laisser illustrer en de riches images. La figuration est alors difficile à éviter, comme dans la poésie, même pour des artistes qui ont fait de l’abstraction leur domaine d’élection. Mais on sait que pour Cédric Peyronnet, cette apparente absence de forme abrite le bouillonnement et l’écho d’images qui sont rapportées à leur essence, à leur empreinte primordiale. Ainsi, loin d’exclure l’image, elle en exprime la signature, comme hors du langage, qui magnifie en réduisant. Le paysage sonore est vaste, plus vaste encore lorsqu’il n’est pas expressionniste. Mais ici, la tentation est grande et, comme nous l’avons dit, parfois inévitable. Les quatre pièces, une pour chaque saison, sont distribuées à égalité ; les saisons d’équinoxe sont des œuvres solo, les saisons de solstice des pièces de collaborations. Pour le printemps et l’automne, si l’on hasarde l’analogie un plus loin, la vision unique génère automatiquement l’équilibre. En revanche, été et hiver, représentés par un musicien utilisant en partie les sources de l’autre, sont montrés en prédominance de l’un ou de l’autre, le maître d’œuvre. Concrètement, le printemps de Pierre Redon s’articule autour de motifs de cordes improvisés, créant rapidement un fantôme protomélodique comme support, recevant les field recordings, vent, oiseaux. Réverbérés par de profonds harmoniques, ceux-ci ne s’élèvent que peu. On devine un ciel lourd, pesant, encore très hivernal. Un printemps somme toute très timide. L’été, nourri des sons de guitare de Redon, est illustré par Toy Bizarre / Cédric Peyronnet et ses field recordings. On sait l’application de son regard, jusqu’au changement d’échelle qui fait considérer un herbage à la taille d’un monde. Le grouillement de l’été, au niveau du sol, la lourdeur et l’électricité dont l’air se charge volontiers, confirment la pièce dans l’orangé de son grésillement. Ici aussi, la mise en scène est esquissée. La volute bourdonnante, les crissements de cordes, montent en tension, et pour les apaiser un insensible coup de vent s’abat sur la seconde partie du morceau, qui s’applique à un niveau plus microscopique encore, vie nocturne et écoulement de fraîcheurs insoupçonnées… qui ont tôt fait d’annoncer l’automne. Contre toute attente, cette saison de l’extinction, de l’endormissement, se présente dès les premiers instants du morceau dédié comme la plus active. Morceau de Toy Bizarre seul, elle montre son geste signé, sa manipulation de la source dans le respect du grain. Il peint le lieu, ici le temps automne en gardant les reliefs qui s’équilibrent, repensant l’empreinte dans une optique acousmatique. Crécelle minuscule, vague d’harmonique cuivré, chant lointain, c’est le mouvement de ce qui s’affaire et tombe, se dissémine – jusqu’au drone élégiaque – ou s’apprête pour le grand sommeil d’hiver. Celui-ci est composé et joué par Pierre Redon avec les sources de Cédric Peyronnet, tout aussi riches et complémentaires que sur la plage précédente. S’y ajoute le vent glacé que Redon sait distribuer, lui faisant enfanter le terrible courant froid qui vient en infra-basse paralyser l’eau comme le vent l’a fait pour l’air. Alors, ce qui tremble, bouge encore, pétillements, craquements, semble ne plus être que le jouet du vent. Tout est assagi et s’apaise en long trait d’harmoniques comme tapis de neige, que viennent ponctuer quelques bouillonnements, crissements de pas, pétillements de glace dans les branches. Et toujours ce drone qui déjà dans sa lente respiration couve le printemps.
Denis Boyer
2009-02-22