Troum – AIWS

Transgredient
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Il semble que la formule musicale de Troum, après plusieurs années d’expérimentation, d’assimilation d’influences diverses quoique oscillant dans un angle assez réduit (cold wave, ambient, postindustriel), ait trouvé un équilibre qui s’est manifesté sous la forme de la trilogie Tjukurrpa. Depuis, elle est affaire de déclinaison ou d’emphase sur l’un ou l’autre des composants (mélodies, textures, rythmes). AIWS est toutefois, et malgré une attache profonde à ce qui fait l’identité de Troum avant même l’activation du duo (c’est-à-dire depuis l’incarnation précédente dans le trio Maeror Tri), un disque inédit dans sa discographie. On a dit l’importance historique que la musique industrielle prenait dans la composition de la musique de Troum, sans toutefois cerner justement le degré de cette présence. Il faut certainement entendre cette référence comme dans le sillage de Zoviet France, formation qui fut d’une influence prépondérante dans l’édification de ce qui rend solides aujourd’hui les fondations de Troum. Mais ni les uns ni les autres ne se sont longtemps encombrés de bruits de machines et de dépressions grises. La racine solide sur laquelle ils ont puisé est celle de la répétitivité. Elle n’est pas sans attache plus profonde bien sûr, les années 60 ont livré de belles compositions minimalistes et répétitives. Et la musique industrielle a certainement apporté à cette façon primitiviste d’envisager la musique une vigueur attachée au rythme, ancestral à son tour. Jusqu’à maintenant, il semblait que les longs morceaux de Troum luttaient contre la structure narrative de système refrain / couplet en abolissant le temps rectiligne, en instaurant la mélancolie éthérée immédiatement au-dessus du bouillonnement primordial, visant comme d’autres au splendide de la progression immobile. AIWS renoue avec la vieille tradition industrielle en ce sens qu’il compose directement son système d’ondes et d’harmoniques de cordes avec la boucle. Le parallèle avec la musique de Rapoon se trace d’évidence dans le premier morceau, Ahmateins, quand le motif de cordes frottées se coupe et se répète en séquence courte qui déjà prend son essor. Secondé par une fine traîne d’harmonique, il devient claudication de vague prise au milieu de l’océan loin de toute plage qui la verrait naître ou mourir. La potion est prête pour l’apparition de la mélodie de mélancolie essentielle, ici jouée par des cordes graves à l’arrière plan. Les réminiscences cold wave prennent comme chaque fois dans Troum un prolongement des plus intéressant, colorant ce qui n’est pas un véritable déroulement mais une construction abstraite. Le romantisme adapté à l’informel. Cette teinte que l’on avait rarement vue si vive depuis le tout premier EP, Daur, donne à AIWS, le plus statique des disques de Troum, la brillance des volutes, l’ondulation des flammes qui jamais ne quittent leur foyer mais ne cessent de danser alentour, festonnant l’âtre.

D.B.

2008-09-15