Crónica / A-Musik
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Il convient d’être généralement assez méfiant à l’égard de mélanges forcés entre musique traditionnelle et effets électroniques. Si ces derniers ne savent que percer la première, la couvrir grossièrement, l’échec rejoint les plates exubérances de la world music et les mains mises stérilisantes d’une certaine techno. L’hybridation musicale mérite précaution, surtout lorsqu’on manipule des éléments étrangers de lieu et de temps. Il faut sans doute réfléchir à ce qui fait la force, le souffle de la musique traditionnelle choisie, pourquoi pas en dehors de tout folklore afférent, trouver ses qualités de structure et accorder sa propre griffe technologique au geste archaïque. L’Israélien Ran Slavin a réussi ce bel exercice, dans la mesure de la pulsation et de l’émanation onirique. Il a su réfléchir à ce mot d’ordre : l’accord, qui, après tout, constitue l’une des bases de nombreuses formes de musique – déplacer cette notion d’accord sur ce qui fait la nature, la densité, la texture d’une vibration. Aux boucles moyen-orientales, aux tournures serpentines, aux chaleurs d’instruments à cordes mêlées de flûtes, (certaines de ces sources ont été jouées spécialement par Ahuva Ozeri, musicienne israélienne), il a infusé son travail électronique de forme glitch, de déhanchements, de rythmes cliqués, de résonances au néon. Souvent, c’est sa température qui s’impose, son volume qui à tant s’insinuer colonise littéralement le jeu de sable. Les vagues de ce dernier ressurgissent de loin en loin, un motif alambiqué qui, une fois disparu, maintient son effet en redirigeant, redimensionnant l’attention comme dans un effet de persistance auditive. Quand les chants et les rythmes organiques montrent au contraire leur prédominance, la façon de Slavin est plus impressionnante encore, elle encadre, enveloppe l’ossature rythmique, joue sur les échos de voix, crée en un mot une authentique musique ethnofuturiste, assez rare pour être remarquée dans sa réussite abstraite. D.B.
D.B.