Soleilmoon
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La réédition des premiers albums (remasterisés) de Lustmord par Soleilmoon mérite toute l’attention des amateurs de musique ambiante sombre. Cet intérêt pédagogique est doublé d’un regard important sur la partie centrale d’une œuvre, enregistrée il y a plusieurs années et qui, depuis, a servi de modèle (on trouve chez Cold Spring ou Manifold quelques talentueux descendants), au point, peut-être, de voir sa singularité menacée. La première dimension de cette réédition des œuvres de Brian Williams / Lustmord est donc d’ordre documentaire et historique. Le style dark ambient a construit ses archétypes en mêlant musique cosmique et musique industrielle et Lustmord est sans doute le premier à avoir marqué d’aussi près l’abstraction ambiante du sceau de l’épouvante et du gigantisme. Ses souffles de créatures abyssales, ses planances mortifères, ses vagues de chaleur dévastatrice, ses échos de chants désolés, sont distribués avec force mais aussi avec assez d’intelligence narrative pour éviter la grandiloquence – ce qui n’est pas le cas de tous ses émules. Les effets angoissants naissent de la nappe, apparaissent à l’horizon avant d’envahir le premier plan, résultent en quelque sorte d’une cuisson comme lors d’une préparation alchimique. Quant à The place where the black stars hang (1994), assez vite l’album se montre difficilement égalable dans sa configuration – cinq sections, distribuant l’inquiétude spatiale en autant de déclinaisons. La deuxième, Aldebran of the Hyades, est exemplaire du style de Lustmord, tel qu’il est décrit plus haut, en même temps que de la technique d’adaptation au thème. Ce qui fonde la musique de Lustmord – ses récurrences narratives consistant en vagues basses, en souffles, en balayages panoramiques d’ondes de chaleur – est ici élaboré dans une version qui ressemble à l’errance solitaire et éperdue dans l’espace. Les images s’imposent, engin vétuste, lumière rare, alternance impitoyable de chaleur et de froid extrême, telle que l’approche des étoiles peut en offrir dans le vide intersidéral, et surtout la condition de l’homme dans cette extraction sans retour. Les étoiles noires, leurs vomissures de lumière et leur halo de ténèbre, servent de théâtre à la dernière des mélancolies, qu’une nappe de lourde mélodie vient piloter. Derniers vestiges de l’écho terrien, alors que l’on n’ose se demander si le voyageur est encore vivant ou s’il a rejoint l’immensité, des poussées d’harmoniques profonds sur fond de vrombissement lointain évoquent un Miserere, la plainte cosmique par excellence ? D.B.
D.B.